Billet “pourquoi et en quoi poursuivre nos réflexions autour de la notion d’inscription me serait utile ?

 

Mon expérience de responsable de formation dans divers dispositifs de formation professionnelle (Assistants Maternels, CAFERUIS, DU de coordinateur), d’accompagnement d’établissements sociaux et médico-sociaux, de professeur principal en Bac Pro SPVL, me laisse à penser que l’inscription spatiale, temporelle et fonctionnelle d’un sujet « apprenant » est le préalable nécessaire à l’engagement de tout processus de socialisation professionnelle. Qu’un tel engagement ne peut avoir lieu que dans un climat favorable à l’apprenance. L’apprenance étant entendue selon Philippe Carré (2005) comme « un ensemble de dispositions favorables à l’acte d’apprendre dans toutes les situations, qu’elles soient formelles ou non, expérientielles ou didactiques, autodirigées ou didactiques, intentionnelles ou fortuites ».
Mais pourquoi cette perception ?
En premier lieu, parce qu’un processus de socialisation professionnelle est tout « à la fois une initiation, au sens ethnologique, à la culture professionnelle et une conversion, au sens religieux, de l’individu à une nouvelle conception de soi et du monde, bref à une nouvelle identité » (selon Hughes cité par Bourdoncle (2000)).
En second lieu, parce que mon expérience professionnelle me laisse à penser que l’inscription du sujet « apprenant », à diverses étapes de son processus de formation (1) et de diverses manières (2), en lui laissant entrevoir les opportunités qu’il y a lieu de tirer de sa participation à un réseau d’interactions et en configurant les étapes de son parcours et leurs portées conduit son sentiment d’appartenance, favorisant en cela l’engagement du processus de socialisation professionnelle attendu et assurant les transactions identitaires subjective et objective sous-tendues par un tel processus.

Mon parti pris théorique étant depuis toujours celui de la complexité associé à une approche systémique, en référence aux travaux de Edgar Morin, j’ai fait appel à quatre disciplines pour saisir les contours ainsi que les tenants et les aboutissants de la notion d’inscription telle que je suis amenée à en faire usage dans le contexte professionnel qui est le mien, chacun y faisant appel sous un angle singulier. Il en va ainsi de la sociologie avec les travaux de Danielo Martucelli mis en regard des travaux de Christian de Montlibert, de la psychologie sociale avec les travaux Denise Jodelet, de la géographie sociale avec les travaux de Guy de Méo, de la philosophie avec les travaux de Paul Ricoeur.

En tant que chercheure associée au laboratoire ATIP, qu’enseignante, que consultante dans le champ de l’action sociale et médico-sociale, je me préoccupe plus particulièrement :
1. de ce qui permet :
– à un apprenant :
o d’engager la transaction identitaire indispensable à la socialisation professionnelle requise par l’exercice de la fonction qu’il vise, ainsi de se mettre en mouvement cognitif et de digérer les contenus diffusés tout au long du parcours de formation dans lequel il est engagé,
o d’acquérir les connaissances et les compétences professionnelles indispensables à la fonction qu’il souhaite exercer,
o de conduire son insertion professionnelle,
– aux organisations, dans lesquelles il se forme, d’interroger la place qui leur est dévolue dans le développement de cette mise en mouvement et à cette aune de développer les outils favorables à l’apprenance,
– aux organisations qui l’emploient pour les unes, qui l’accueillent en tant que stagiaire pour les autres, d’interroger les paradigmes d’action qui sont les leurs et de s’acculturer aux attendus en vigueur qui sont sans cesse préciser dans une société en mutation, ainsi lui permettre d’expérimenter des outils actualisés.
2. des contradictions des politiques éducatives auxquels sont confrontés les organismes de formation et les établissements sociaux et médico-sociaux, dans un contexte d’incessante réorganisation de la division du travail et dans un tel contexte, en corollaire, des enjeux de l’inscription comme préalable à toute socialisation professionnelle.

Poursuivre plus avant le questionnement des composantes de la notion d’inscription et de ses enjeux, tout en les mettant à l’épreuve, me permettrait d’interroger :
– les liens qu’elle entretient avec le développement de systèmes « apprenants »,
– la possible formalisation d’applications dans le domaine de l’ingénierie de formation et de l’ingénierie pédagogique.

Anne Tirmarche Issemann
Chercheuse associée à l’équipe ATIP
LISEC 2310

 

Notes

(1) – entrée en formation, constitution du groupe, épreuves de certification, stages, engagement du processus d’insertion professionnelle
(2) acte d’inscription lors de l’entrée en formation ; participation aux cours, aux ateliers et aux certifications ; recherche de liens avec les membres du groupe ; recherche de mentors/tuteurs ; recherche de stages ; etc.
(3) – l’équivalent d’une note de cadrage dans laquelle des valeurs et des orientations sont exposées

 


anneissemann

Ma biographie professionnelle à l’origine de mes questionnements Éducatrice et sociologue, chercheuse associée en sciences de l’éducation parce que passionnée de pédagogie, les problématiques liées à la formation tout au long de la vie sont de longue date au cœur de mes préoccupations tout comme l’accompagnement au changement des Établissements et Services Sociaux et Médico-Sociaux (ESSMS). Mon périmètre d’action : les organisations du champ de l’intervention sociale tous secteurs confondus, leurs salariés et les personnes qu'ils accompagnent. Ma pratique heuristique et mon expérience professionnelle m’ont conduite à penser que :  Pour les salariés du champ Tout projet de formation ou de reconversion nécessite d’engager un nouveau processus de socialisation professionnelle. Pourquoi ? Parce que la personne sera amenée au cours de son parcours à interroger ses valeurs, les représentations qu’elle a d’elle-même, de son ancrage social, du monde qui l’entoure ainsi que de ses pratiques. Un tel parcours est semé d’embûches, la personne étant amenée à se redéfinir, à se réinventer. Aussi, afin qu’elle puisse mener à bien son projet, il est essentiel que les moyens lui soient donné pour qu’elle puisse s’inscrire dans un réseau relationnel lui assurant reconnaissance et appartenance. Une modélisation spécifique de son parcours de formation conjugué à un accompagnement adapté, tout en favorisant son inscription dans un nouveau corps social, donnera sens au processus de socialisation professionnelle convoqué et contribuera à son enclenchement. Ayant expérimenté et vérifié ces postulats dans divers univers : la formation des assistants maternels, les classes de première et terminale de Bac Pro Services de Proximité et Vie Locale, la formation des cadres intermédiaires et des cadres de direction de l’intervention sociale et des coordinateurs, des étudiants en sciences de l’éducation.  Pour les personnes accompagnées, fragilisées à titres divers par la vie : de soutenir leur autonomie, en interrogeant les enjeux de ce soutien ainsi que ses tenants et ses aboutissants, pour eux-mêmes et la société dans laquelle ils vivent.  Pour les organisations du champ de l’intervention sociale L’occupation de trois postes au cours de mon parcours (coordinatrice d’un projet de recherche-action dans le secteur du handicap, chargée de mission en protection de l’enfance, chef de projet en accompagnement du changement auprès des ESSMS) m’ont conduite à penser que la technique de la formation-action était favorable à des changements pérennes au sein des établissements parce qu’elle contribuait à la mise en place d’une organisation apprenante. Par ailleurs, alternant diffusion de connaissances et interrogation du réel, elle est source de motivation pour les personnels qui y sont engagés. Pourquoi ? Parce qu’ils apprennent en analysant et en résolvant les problèmes auxquels ils sont confrontés, tout en interrogeant l’organisation que sous-tend la résolution des problèmes rencontrés. Allier recherche et action sur le terrain, dans les trois domaines cités, me permet de conserver ma pratique « vivante » : de la réinterroger et de l’affiner en la partageant.

Vous aimerez aussi...

1 réponse

  1. Bonjour Anne, merci pour le partage de tes réflexions et questionnements.
    Peux-tu stp en dire plus (ici ou à l’occasion) sur ce que tu appelles “l’inscription spatiale, temporelle et fonctionnelle” ?
    J’aime bien ta note 2 qui “donne à voir en actes”, et je crois que j’aurais besoin de mieux me “représenter” ce dont il s’agit.
    Je réfléchis de plus en plus au lien entre inscription et espace, notamment à l’approche de la géographie et du coup, je serais intéressée par un conseil de lecture du travail en géographie sociale de Guy de Méo. A bientôt, pour échanger de “vive voix”.
    Amitiés,

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

Rechercher dans OpenEdition Search

Vous allez être redirigé vers OpenEdition Search